> Notre sentiment
Entrée
récemment dans la
profession, le JIC est le premier projet d’envergure sur
lequel
« j’embarque » une
classe. Quand l’association Vinaigre m’a
contactée, j’ai été tout de
suite séduite par la dimension didactique et
citoyenne de ce type d’écrit. Les
réalisations ont été assez
éloignées de mes
attentes premières sans pour autant me décevoir.
L’enseignant
se doit d’avoir un
regard professionnel lorsqu’on lui propose quelque chose. Il
traduit les
activités des intervenants en termes de
compétences et d’objectifs précis et en
rapport avec les programmes officiels.
L’intérêt que j’y ai
trouvé n’est pas
celui que les élèves ont perçu et
heureusement ! Au fur et à mesure que
les règles d’écriture
s’égrainaient dans ma tête je voyais des
séances de grammaire,
de conjugaison et d’orthographe pleine de sens
défiler dans ma tête. Les règles
du JIC sont peu nombreuses mais riches : Enfin des textes que
les élèves
prendront plaisir à corriger et recorriger me suis-je
dit ! En effet
l’envie de réécrire est très
difficile à susciter et pourtant c’est une
étape
capitale de la production d’écrit.
Je
voyais aussi le potentiel
énorme que portait le projet
concernant la citoyenneté : Partager le
vécu en parler l’objectiver.
Lorsqu’un conflit éclate entre enfants, il est
souvent difficile d’obtenir un
témoignage fiable tant les ils restent enfermés
dans leur interprétation des
faits. Leur subjectivité est la seule
réalité qu’ils acceptent. Or, le
respect
que l’école se doit de leur inculquer, les uns
envers les autres, passe par
l’acceptation de l’autre et de son point de vue. Le
JIC tend à leur faire
produire des texte « neutres » et
« objectifs ».
Ce qui
m’a aussi intéressé c’est que
les écrits des élèves
pourraient être partagés. Le JIC n’est
rien sans ce partage. Partage entre
pairs ; pour discuter de ce qu’on a vécu
ensemble ou relater des
évènements qu’on est le seul
à avoir remarqué dans un espace pourtant
partagé.
Mais aussi et surtout le JIC pourrait être un moyen de faire
entrer les parents
à l’école. Celle-ci leur
paraît souvent d’un fonctionnement obscure et
beaucoup
d’enfants restant peu loquaces face aux demandes parentales,
ce n’est souvent
que l’enseignant qui communique avec eux sur ce
vécu de leur enfant. Cependant
l’enseignant a des sujets de communication qui laisse tout un
pan de la vie
scolaire de côté.
Il
y a de nombreux écrits qui relatent le vécu mais
aucun qui ressemble au JIC.
Faire des JIC permettrait aussi d’aborder en
contrechamps : l’article de
journal, le journal intime, la chronique… Le
JIC ouvre sur tellement de portes qu’il en donnerait presque
le vertige
pédagogique.
Enfin
il y a tout un volet du projet qui concerne les TICE. A notre
époque il est
indispensable de maîtriser les outils informatiques et
l’Education Nationale a
fait sienne cette préoccupation. Les JIC doivent
être tapés afin d’être lu en
public puis mis sur un site web. Le
JIC est donc une manne pour l’enseignant et pour
l’élève. Le
JIC dans la pratique s’est
révélé assez complexe à
mettre
en place car il a ouvert un long et âpre débat sur
ce que c’est qu’être
objectif : « Tu dis qu’il
cherchait quelqu’un, comment est-ce que tu
sais qu’il cherche
quelqu’un ? » ou encore
« Tu
écris qu’elle est triste, comment le
sais-tu ? Elle te l’a dit ?
Elle pleurait ? » Est-ce qu’on
devine, est-ce qu’on interprète ou
est-ce qu’on décrit seulement ce qu’on
voit ? Les débats sur le contenu on
finalement pris plus de temps que les temps d’ORL
escomptés…
Cette
barrière franchie, même si les débats
restent d’actualité lors des lectures, le
JIC est devenu un outil : Une référence
pour écrire : « Ecrivez
comme pour un JIC, il faut décrire... »
Un outil pour gérer certains
conflits : « Qu’est-ce
qu’il s’est passé
réellement ? Décris ce
que tu as vu, ne me dis pas ce que tu as
interprété. Dis-le moi comme un
JIC.»
Concernant
la citoyenneté et le partage de vécu
l’adulte que je suis a été assez
surprise.
J’ai commencé par imposer les lieux où
les élèves devaient observer ce qu’ils
allaient relater. Ensuite les sujets des textes ont
été librement choisis par
les élèves et la thématique
privilégiée par ces derniers m’a paru
assez peu
représentative de l’école que je vivais
mais là je consens volontiers que je ne
suis pas objective ! Les élèves sont
finalement moins marqués par mes
séances de math’ que par les incidents de leur vie
sociale.
Enfin,
concernant les TICE les déboires ont
été nombreux et variés ce qui a
ralenti
les possibilités de production…
Voilà
la version de l’enseignante : Une
véritable aventure que j’ai hâte de
poursuivre, renouveler et enrichir dans les années
futures ! Bonne
lecture. Ann
Boinet
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